La fraternité des Saints apôtre divisait déjà l’Eglise

L’Eglise de Belgique a donc tranché (« La Libre » du 16/6). La Fraternité des Saint apôtres ne pourra plus former des prêtres. Mais ses membres pourront continuer leur sacerdoce dans les deux paroisses bruxelloises où ils sont actifs : à Sainte-Catherine et à Homborch. C’est un compromis. Qui ne satisfait toujours pas tout le monde.

Un choix personnel de Mgr Léonard

Lorsque, contre l’avis de l’ensemble de ses collègues de la Conférence épiscopale, l’ancien archevêque Mgr André-Joseph Léonard a décidé le 7 avril 2013 d’ouvrir les portes de l’archidiocèse à la Fraternité des Saints apôtres créée par le surprenant père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, hypermoderne dans sa communication mais très classique et traditionnel dans sa manière de vivre le sacerdoce, il ne faisait pas de doute que ce dossier ferait l’objet sinon de divisions, au moins de vives contestations dans le monde catholique belge…

Le fait que Mgr Léonard ordonna ensuite en août 2014, toujours aussi isolé, plusieurs de ses membres belges puis décida de les installer, contre l’avis toujours de ses confrères dans l’épiscopat dans l’église du Marché aux Poissons à Bruxelles n’a pas arrangé les choses. On pouvait dès lors s’attendre à un retour de balancier si le successeur d’André Léonard ne partageait pas ses options.

De fait. Mgr Léonard avait à peine quitté Malines-Bruxelles pour devenir vicaire au sanctuaire marial du Laus (près de Gap) que la rumeur enfla à propos de la fin de l’expérience de Sainte-Catherine mais aussi d’une dissolution de la Fraternité.

Démentie, la rumeur redressa récemment la tête et donna lieu à une lettre ouverte contre l’archevêque actuel accusé de ne pas jouer le jeu de la concertation et de vouloir passer en force. Une affirmation démentie à l’archevêché : si Jozef De Kesel a voulu prendre une décision en pleine connaissance de cause, c’est aussi parce qu’il avait demandé à une commission spéciale de rencontrer les membres de la Fraternité avant de trancher. Composée d’un évêque, d’un théologien et d’un religieux qui n’avaient pas de lien ni de près ni de loin avec la Fraternité, elle les a vus avant de trancher.

Discernement collégial indispensable

Enfin, la hiérarchie épiscopale n’est pas en porte-à-faux avec Rome. Cela faisait un bon moment qu’on s’attendait à une prise de position du Vatican à propos de la création d’ »instituts de vie consacrée » dans les diocèses car les initiatives isolées de certains évêques ont provoqué des problèmes ci et là. Le pape François a finalement décidé par un « rescrit » – un décret – daté du 20 mai dernier qu’à partir du 1er juin, la création d’un Institut de vie consacrée dans un diocèse requiert désormais l’autorisation préalable de Rome. Objectif ? « Eviter que ne soient érigés au niveau diocésain de nouveaux instituts sans un discernement suffisant. » Selon certains, Mgr Léonard a toujours refusé ce discernement suffisant et collégial.

Reste que les supporters de la Fraternité refusent de baisser les bras : un collectif de paroissiens est mobilisé à Ste-Catherine depuis un mois et une lettre a été adressée à Mgr De Kesel il y a 3 semaines signée par plus de 200 paroissiens pour l’inviter à venir voir et rencontrer les signataires. Dans un communiqué, ils réitèrent leur invitation car cette lettre est restée sans réponse. Ils passeront donc à l’action dès dimanche matin avec une messe mobilisatrice suivie d’un pique-nique géant… Ils osent cependant encore croire qu’ils pourront voir d’urgence Mgr De Kesel « pour clarifier la situation et lui faire part de (leur) déception ». Et de se dire « convaincus que la décision prise ne reflète pas une connaissance suffisante de la Fraternité ou du travail réalisé ». Ils l’invitent dès lors à « aller constater par lui-même les fruits nombreux et magnifiques que porte la Fraternité des Saints apôtres au quotidien ».

« Une expulsion, pas un recadrage ! »

Véronique Hargot, qui a mené la bataille de Sainte-Catherine, critique la décision de l’Eglise. Entretien.

Vous n’hésitez pas à parler d’une expulsion de la Fraternité des Saints Apôtres et non d’un recadrage…

Oui, car elle est expulsée de Belgique en tant que Fraternité, et les prêtres, voire séminaristes qui resteraient le sont désormais à titre individuel, non reliés à la Fraternité que l’archevêque De Kesel ne veut explicitement pas accueillir dans son diocèse. C’est une expulsion car elle est canoniquement établie dans le diocèse.

La décision vous a surprise ?

Cette politique surprend de la part d’un archevêque qui nous appelle à ouvrir nos portes et nos frontières aux réfugiés (musulmans en majorité, faut-il le préciser) mais qui ne s’émeut pas de mettre à la porte et de renvoyer hors de ses frontières, ses séminaristes étrangers. Alors qu’il plaide partout pour un multiculturalisme et la diversité des religions dans la cité, voilà qu’il congédie les séminaristes non belges et hors du profil sacerdotal dessiné par les évêques de Belgique.

Que comprendre ? L’archevêché ne veut pas léser notamment les diocèses français…

Non, au contraire, cet argument est franchement discriminatoire, voire raciste car les Français sont persona non grata en Belgique. Et cette décision est appuyée par Mgr Kockerols, vice-président de la Comece qui réunit les épiscopats européens. Par solidarité avec les autres évêques ? Faux puisque les séminaristes peuvent rester s’ils se présentent isolément, hors fraternité. Une solidarité intelligente aurait été de se réjouir de rassembler des jeunes séminaristes du monde entier dans la capitale de l’Europe, pour former une fraternité sacerdotale universelle et les envoyer par après essaimer au loin. L’argument « français » est d’autant plus inouï que les 2/3 des séminaristes de Namur sont étrangers, et qu’une majorité plus grande encore remplit les bancs de l’Institut d’études théologiques.

Pour réajuster cette décision discriminatoire, il serait donc maintenant juste d’expulser aussi la totalité des séminaristes du Néocatéchuménat, tous étrangers, ainsi que la majorité des prêtres et séminaristes de l’Emmanuel, étrangers eux aussi.

(source)

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